top of page

LE BILLET

Les faussaires de la vertu républicaine




Ceux-là nous promettent une loi de moralisation de la vie publique. Mais en trois semaines à peine de gouvernement, ils ont déjà donné à voir qu’ils ne représentent que le prolongement de l’ancien. Les mêmes hommes, issus des mêmes moules, avec les mêmes pratiques. Ferrand, Tourret, Bayrou, Buzyn : les uns se gavent depuis leur piédestal, les autres font du copinage depuis les ministères, tous confondent l’exercice public avec leurs intérêts privés.


L’affaire Ferrand ressemble déjà à un feuilleton à la Fillon : même dénégations, mêmes excuses, même amour passionné de l’argent, mêmes combines. Les positions de pouvoir permettent de servir les proches pour ne pas dire se servir soi-même. Le bras droit de M. Macron, hier encore député PS, mais désormais ministre de la cohésion des territoires, a permis par l’entremise de la mutuelle qu’il dirigeait une juteuse transaction financière pour son épouse. Puis a cumulé une indemnité de conseil auprès de celle-ci alors-même qu’il était député…et légiférait sur les dossiers mutualistes. Sans compter l’embauche de son fils comme assistant parlementaire.


Autre proche de M. Macron et candidat aux législatives pour LREM, Alain Tourret a lui reconnu avoir utilisé son indemnité représentative de frais de mandat pour des dépenses personnelles : télévision, fauteuil, des tickets de cinéma, parties de golf, ou encore des vacances au Club Med au Sénégal !

Quant aux lobbyistes, ils ont pignon sur rue avec M. Macron : ainsi la nouvelle ministre de la santé et des solidarités Agnès Buzyn s’est-elle choisie comme Directeur de cabinet Gilles de Margerie, jusque-là Directeur général adjoint du groupe d’assurances privées Humanis. A l’heure où le Président entend transformer saborder notre régime de retraite, c’est peu de dire que le gouvernement a fait entrer le loup dans la bergerie.

On apprenait enfin ce matin que le Garde des sceaux M. Bayrou, celui-là même qui doit proposer une « loi de moralisation de la vie publique », avait retweeté depuis son compte officiel qui était alors estampillé « ministre de la justice », le communiqué de son amie et ministre Marielle de Sarnez visée par une enquête préliminaire portant sur l’emploi de collaborateur au Parlement européen. Le mélange des genres était à son comble et que n’aurait-on pas entendu en d’autres circonstances sur l’ingérence du ministre de la justice dans une affaire en cours. Mais avec M. Macron au pouvoir, les intérêts de ceux-là sont bien gardés et il faudrait mettre ceci sur le compte de la maladresse pour éviter de dire amateurisme…


C’est dans ce contexte que se profile la loi de « moralisation de la vie publique ». C’est peu de dire que tout démontre par avance l’inefficacité de la démarche si elle se limite à « moraliser » la vie publique en se contentant de redresser les comportements individuels de ceux-là. Comme se plaît à le rappeler Jean-Luc Mélenchon, « en République laïque, la morale est individuelle et la vertu guide les choix collectifs ». Bref « la vertu c’est l’amour de la patrie et de ses lois » si l’on se réfère à Robespierre ou c’est « l’amour des lois et de la patrie » si l’on préfère Montesquieu.


Ce n’est donc pas en essayant de contraindre des comportements individuels que l’on pourra changer les pratiques mais en refondant le rapport à l’exercice démocratique. L’heure est venue pour le peuple de redéfinir les règles communes que nous souhaitons nous appliquer, non par le contrat individuel, mais par l’engagement collectif de chacun devant et auprès de tous.


C’est en cela qu’une 6ème République qui redéfinirait les rapports démocratiques est nécessaire et qu’elle reste au cœur du projet que la France Insoumise mettra en œuvre avec une majorité insoumise aux législatives. Seul un aller-retour permanent entre le peuple souverain et ses représentants peut transformer la volonté générale en intérêt général. La démocratie délégative que génère la Vème République doit faire place à une démocratie représentative qui sollicite l’implication populaire. De ce point de vue, la révocabilité des élu-e-s à laquelle je m’engage en tant que député n’est ni un gadget ni un supplément d’âme : elle renverse le lien de souveraineté en réintroduisant entre deux élections le souffle de l’action populaire. Les gens ne sont plus simplement des mandants mais, en redevenant acteurs, ils recouvrent leur souveraineté et par-là enjoignent l’élu à une tâche de représentation dont les pratiques l’ont aujourd’hui éloigné.


Interpelé sur la question lors des auditions qu’il mène à la veille d’annoncer son projet de loi, M. Bayrou s’est montré « réservé » sur la révocabilité. On comprend en quoi la refonte démocratique que cela implique va à l’encontre des us et coutumes dont lui et les siens sont à leur corps défendant si friands. Ceux-là ne sont déjà pas des modèles de morale, mais ils sont à coup sûr des faussaires de la vertu.


Retrouver tous les billet de François Cocq sur son blog : francoiscocq.fr


Billets à l'affiche
Billets en tête
Archives
bottom of page