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LE BILLET

Si Jean-Luc Mélenchon n’impose pas sa parole, c’est pour libérer celle des gens



Interview accordée au journal Première Heure et publiée dans son édition du 5 mai 2017. Propos recueillis par Hervé Guénot.


1) - Une réaction et une analyse de la consultation des militants de La France insoumise, terminée ce 2 mai ?


François Cocq : Ce fut un bel exercice démocratique. En renouvelant de fond en comble les pratiques, nous changeons jusqu’à la nature des structures. Nous avons mené une campagne qui en appelait à l’intelligence qui réside en chacun de nous. Nous avons en permanence tâché d’élever le niveau de conscience des gens. Et on nous demanderait de balayer tout cela par une consigne de vote dès le soir du 1er tour, en traitant les électeurs qui ont voté pour Jean-Luc Mélenchon comme des supporteurs captifs ? Non ! Ce sont des citoyens éclairés qui agissent dans une communauté de destin. 84 % ont voté Mélenchon par adhésion au projet l’Avenir en commun, soit le plus haut total et de loin de tous les candidats à la présidentielle. C’est pourquoi nous avons demandé leur avis aux insoumis. Non pas pour donner une consigne de vote mais pour donner un avis qui permettra à chacun, en conscience, de décider du geste démocratique qu’il souhaite poser lors du 2nd tour : Vote blanc ou nul, vote Macron ou abstention. Toujours en cohérence et parce que le vote FN n’est pas pour nous une option, nous n’avons pas soumis cette possibilité au vote. Force est de constater que cette méthode inédite est un immense succès puisque près de 250.000 personnes ont participé, se répartissant globalement en trois pôles égaux.


2) - On a beaucoup critiqué Jean-Luc Mélenchon pour ne pas avoir dévoilé son vote de second tour : qu’en pensez-vous ?


François Cocq : : Balayons d’abord les faux-semblants : Jean-Luc Mélenchon est depuis des années aux avant-postes de la lutte contre le FN et il a redit cette semaine la terrible erreur que constituerait le fait de glisser un bulletin FN dans l’urne.

Pour le reste, l’attitude de Jean-Luc Mélenchon est empreinte de dignité et de responsabilité et il en est chaque jour remercié par ceux qui ont voté pour lui. Sa démarche vise à éclairer, non à lancer des injonctions. En agissant ainsi, il transforme la vie politique en passant des vieux partis poussiéreux aux mouvements citoyens. En permettant l’expression de tous et le choix de chacun, il rompt avec les logiques majoritaires et donc aussi minoritaires. L’engagement politique ne se vit plus comme un enfermement. Chacun vient avec ce qu’il est et s’agrège dans un tout cohérent humaniste, émancipateur et insoumis. Après avoir instruit tout le monde, Jean-Luc Mélenchon accepte de ne pas imposer sa parole pour libérer celle des autres. C’est tout à son honneur.


3) Vous-même, allez-vous dire pour qui vous allez voter au second tour?


François Cocq : : Le FN et Mme le Pen doivent être battus. Je considère que nous avons largement pris notre part à ce combat. Nous avons donné l’opportunité de dégager Mme Le Pen dès le 1er tour. Mais l’appareil socialiste et son candidat, le président Hollande, les éditocrates et médiacrates, tous se sont attelés à nous jeter des seaux de boue les 15 derniers jours plutôt que de combattre Mme Le Pen. A 600.000 voix près, ils ont obtenu ce qu’ils voulaient : le FN en diable de confort pour assurer l’élection de leur protégé. Et ils voudraient aujourd’hui nous faire la leçon et nous demander de régler la question du 2èmetour qu’ils ont eux-mêmes installée?

Entendez-moi : c’est notre honneur que de combattre sans relâche le FN et c’est leur honte de le laisser prospérer. Si je dois prendre mes responsabilités, je les prendrai dans l’isoloir. Mais que chacun prenne sa part et d’abord M. Macron. Qu’il cesse ses manipulations qui visent à demander à ce que le vote pour lui représente « l’adhésion à son projet » pour mieux renvoyer ensuite à la figure de celles et ceux qui se seraient dévoués à glisser un bulletin à son nom dans l’urne le fait qu’ils doivent avaler la casse sociale qu’il nous réserve. Je ne voudrais pas que la médiocrité de sa campagne rende la victoire de Mme Le Pen envisageable et me prive le 7 mai de ma liberté de choisir de voter éventuellement blanc.


4) - M. Mélenchon a atteint, en Val-de-Marne, 24,5% des voix. Un bon score : comment l’interprétez-vous ?


François Cocq : : Nous avons réalisé dans le Val-de-Marne un magnifique résultat. Il est bien sûr dû à la dynamique militante de toutes celles et de tous ceux qui sur le terrain ont soutenu la campagne de Jean-Luc Mélenchon. Mais ce résultat valide d’abord la thèse avancée par Jean-Luc Mélenchon dans son livre L’Ere du peuple : l’émergence de « l’urbanité » comme aile marchante d’une nouvelle citoyenneté. Cela s’est vérifié dans l’élection puisque la France Insoumise réalise des résultats considérables dans les grandes villes (en tête à Marseille, Toulouse, Montpellier, Lille…) à commencer par celles de notre département (Créteil, Choisy, Orly, Champigny, Alfortville, Villejuif, Vitry, Ivry…). Et notez bien ce corollaire : La France Insoumise fait reculer le Front national en-dessous de ses scores de 2012 en nombre de voix : là où M. Macron est haut, Mme le Pen peut être haute ; là où Jean-Luc Mélenchon réalise par contre ses meilleurs scores comme dans le 94, partout Mme le Pen se replie.


5 ) - Avec les voix de Benoît Hamon (7,7%), le score de M. Mélenchon serait en Val-de-Marne de 33,2%, soit bien plus qu’Emmanuel Macron (28,5%). Regrettez-vous qu’il n’y ait pas eu un «ticket» à gauche – Mélenchon/Hamon – permettant de qualifier la gauche au second tour ?


François Cocq : : Le temps des additions électorales est révolu. Les électeurs ont validé la démarche de la France Insoumise qui vise à fédérer leur peuple plutôt qu’à juxtaposer des sigles. Bien sûr M. Hamon aurait dû venir donner un coup de main ; mais il a choisi de faire la campagne du PS. Il a donc fait le score qui va avec. Là où sa démarche est contestable, c’est d’avoir pris Jean-Luc Mélenchon pour cible privilégiée, comme si la non-élection de celui-ci était une compensation à la débandade du PS. Triste. Et surtout lourd de conséquences au regard de la présence de Mme Le Pen au 2nd tour.


6) - Dans les conditions du premier tour, comment voyez-vous le profil des candidats de La France insoumise? Doivent-ils, après négociation, rassembler tous les candidats de gauche pour être en mesure de battre les candidats de M. Macron et constituer une Assemblée nationale de gauche ?


François Cocq : : Notre pays est dans l’impasse. Le projet d’extrême-droite de l’une ou celui d’extrême-finance de l’autre ne peuvent rassembler car ils ne sont pas des projets d’intérêt général. Dès lors, et tandis que les vieux partis du système ont été balayés, la France Insoumise doit continuer à fédérer le peuple, à capter la colère pour la transformer en un débouché humaniste. Mais pour cela, il faut être digne de ces 7 millions de suffrages et ne pas retomber dans la petite tambouille politicienne et les accords d’appareils. La France Insoumise assumera sa cohérence et son unité d’action entre l’élection présidentielle et les élections législatives autour du programme l’Avenir en commun et de son chef de file, Jean-Luc Mélenchon. Vienne qui veut, la porte est grande ouverte.


7) - Vous-même êtes candidat sur la 2e circonscription du Val-de-Marne (sortant : Laurent Cathala, PS). Abordez-vous le scrutin renforcé, alors que M. Mélenchon est très haut – en tête – et M. Hamon plutôt bas dans les deux villes de la circonscription? (Choisy, Mél. : 32,4%, Ham. : 8,2%. Créteil, Mél. : 27, 4%, Hamon : 8,8%) ?


François Cocq : : Le score de la France Insoumise est effectivement remarquable puisque nous sommes en tête dans les trois villes. Mais au-delà, le paysage politique est redessiné : grâce à nous, le FN recule. Quant au PS, il est balayé tandis que la droite s’effondre. Un formidable espoir voit donc le jour : Créteil et la circonscription sortent de 36 ans de règne sans partage du PS. Et bien nous allons ré-oxygéner la vie publique sur notre territoire. Je suis là pour porter à l’Assemblée l’humanisme radical et émancipateur chevillé au corps des électeurs de cette circonscription, mais aussi pour leur offrir un renouvellement complet des pratiques politiques. Ma méthode ? L’implication citoyenne partout et tout le temps, en installant notamment des ateliers législatifs et en me comportant dès à présent comme un élu de la 6e République.


8) - Que dites-vous du parcours bonapartiste éclair de M. Macron ?


François Cocq : : Macron reste le candidat du système et donc de la continuité. L’exercice de marketing politique est il faut bien l’avouer très réussi. Mais il laisse déjà apparaître ses propres limites et l’adhésion à son projet chez ses propres électeurs est la plus faible de tous les candidats. M. Macron ne peut agréger autour de ses idées car elles rejoignent les intérêts d’une petite minorité, la Caste qui l’a fait roi. Les législatives le laisseront nu, sans majorité. Et tandis qu’il usera des pires artifices de la Vème République pour imposer les vues des siens, nous continuerons à fédérer le peuple dans une Assemblée désormais Insoumise pour un Avenir en commun.


Retrouver le blog de François Cocq : cocq.wordpress.com









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