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LE BILLET

Le double baiser de la mort de Manuel Valls



En annonçant ce matin qu’il voterait à la présidentielle pour M. Macron, Manuel Valls vient de faire d’une pierre deux coups : par son baiser de la mort, il achève le PS d’un côté et désarçonne son ancien ministre de l’économie de l’autre. Dans le petit monde des faux-frères mais vrais amis, le jeu de quilles continue.

Manuel Valls est un homme de caractère : il fait sans ciller ce que Benoît Hamon n’a pas osé faire avec les frondeurs : aller au bout de sa démarche. Frondeur, Benoît Hamon n’a jamais franchi le Rubicond face à la politique conduite par Manuel Valls. Au point de d’éviter de se mettre en situation d’avoir à le renverser, fût-ce au prix d’une motion de censure qui aurait pourtant permis de remiser au placard la loi El Khomri. Manuel Valls lui assume, quitte à s’asseoir sur ses engagements : il abandonne Benoît Hamon en rase campagne électorale et appuie sur le bouton d’autodestruction du PS.


Benoît Hamon n’est pas tant victime de la désertion de Valls que du champ de ruines qui l’entoure désormais. Il y a un mois, Jean-Luc Mélenchon lui demandait de donner des gages aux français pour tourner la page et de se débarrasser des boulets du quinquennat. Au lieu de cela, Benoît Hamon a préféré tenter de recoller les morceaux de la vieille famille qui se faisait déjà ses adieux. Et plutôt que d’imposer son orientation, il s’est placé en situation de subir le fait que ceux-là s’en aillent d’eux-mêmes. Ce qu’ils font aujourd’hui les uns après les autres.


Le vote Hamon n’est dès lors plus même utile pour essayer de réorienter un PS qui retrouverait son ancrage et ses valeurs : l’objet lui-même n’est plus. Il a explosé sans que Benoît Hamon en prenne la mesure. Ainsi, dans une triste conférence de presse convoquée dans l’urgence cet après-midi pour répondre à l’annonce de Manuel Valls, le candidat dans une tentative désespérée « appelle les sociaux-démocrates […], le PCF, les Insoumis et Jean-Luc Mélenchon à réunir leurs forces aux [siennes] » car il aurait « une position centrale ». Passons sur ce dernier point pour lequel nul n’a besoin de mes commentaires pour se faire un avis. Plus profondément, ce que propose Benoît Hamon, c’est une politique à la petite semaine. Il y a 15 jours il convenait que sa candidature et celle de Jean-Luc Mélenchon n’avaient pas vocation à s’affronter mais avaient chacune leur légitimité et leur espace. Plus isolé que jamais, il change d’avis et voudrait remplacer le label PS désintégré par une collection d’étiquettes sans regarder plus avant l’incohérence de ce qu’il propose qui ne saurait produire d’autres effets que ceux qu’ils vient de subir avec le PS. Laissons là Benoît Hamon, il n’est nul besoin d’ajouter à son fardeau.


Car M. Macron a beau s’en défendre, il paye lui aussi l’adoubement valsiste. Avec Manuel Valls, c’est la politique de M. Macron au sein de ses gouvernements qui revient avec lui. Entre le frondeur Hamon et son ancien ministre Macron, Manuel Valls a choisi : il préfère l’auteur de la loi Macron et le théoricien de la loi El Khomri à ceux qui avaient des doutes sur leur bien-fondé. Plus encore que Manuel Valls, c’est donc l’héritage politique du quinquennat que M. Macron doit désormais assumer.


Et ce n’est pas tout : le voilà qui traîne derrière lui l’héritage de tous les derniers quinquennats : 11 ministres de Jacques Chirac, des ministres de Nicolas Sarkozy dont Mme Montchamp est la dernière en date, et désormais les deux premiers ministres de François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls, affublés de pléthore de leurs ministres et secrétaires d’Etat. Le renouveau ressemble furieusement au recyclage de l’ancien. Pire, il s’apparente à un lot de consolation pour les perdants des primaires : Valls pour celle du PS, Bayrou soutien de Juppé pour celle de la droite.


Par sa prise de position, Manuel Valls a d’ailleurs donné chair aux propos de François Bayrou qui s’exprimait au même moment sur France-Inter et qui, évoquant l’annonce à venir, lançait : « Ce que j’affirme c’est qu’il n’y a qu’une seule majorité possible en France, c’est cette majorité centrale. […] Entre ceux qui forment le grand centre français, ceux qui sont du centre droit et ceux qui sont du centre gauche, il y a la possibilité de travailler ensemble. Quelle différence y-a-t-il entre un Manuel Valls et un Alain Juppé ? Sur le fond, il y a une compatibilité absolue ». M. Macron peut bien essayer de s’inscrire hors des partis et des courants, il est rhabillé en candidat centriste sans identité propre, synthèse des hommes on l’a vu mais aussi des politiques qui ont pareillement échoué à avoir trop convergé et s’être résigné à la financiarisation de l’économie entraînant la perte d’humanité de la société.


Manuel Valls par son annonce rajoute enfin encore un peu plus de confusion sur le profil de la « majorité présidentielle » qui s’est depuis quelques jours substituée à la majorité de députés d’En Marche ! que jugeait pourtant initialement nécessaire M. Macron pour appliquer sa politique. Le matin c’est François Bayrou qui au micro considère qu’il est convenu avec M. Macron que le fait que d’anciens ministres ne pourraient pas retrouver de portefeuilles ne saurait valoir pour lui. Le midi c’est le porte-parole d’En Marche ! qui ouvre la porte à Manuel Valls pour candidater dans sa circonscription d’Evry et recevoir l’investiture de la « majorité présidentielle » qu’il escompte. Bref, la tambouille bat son plein et manuel Valls à n’en pas douter y retrouve ses aises.


On ne rompt pas si facilement le lien avec le sérail dont on est issus, les deux anciens ministres de Manuel Valls en font l’expérience à leurs dépens. Le double baiser de la mort de Manuel Valls pourrait bien enterrer les espoirs de l’un comme de l’autre au soir du 1er tour.


Retrouver le blog de François Cocq : cocq.wordpress.com



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