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LE BILLET

Drahi, Lagardère : jeux de rôle autour de Macron



Cela pourrait prêter à sourire si l’enjeu ne revêtait pas une telle importance : dans son édition du 26 mars, le Journal du Dimanche (JDD), propriété du groupe Lagardère et chasse gardée de M. Macron, publie un papier sous la plume de Guillaume Rebière pour tenter d’éteindre l’incendie qui touche le dit M. Macron pour ses liens avec les magnats de la presse et cette fois M. Drahi. La Caste des faiseurs d’opinion se serre les coudes pour mener son champion à bon port.


M. Macron a depuis l’été fait 5 fois la Une du JDD ! C’était le cas une fois encore la semaine dernière et il y a tout juste un mois début février. Personne ne peut prétendre rivaliser. Dans son édition du jour, et outre l’article évoqué, on trouve une tribune de sénateurs centristes appelant à voter Macron ou encore une double page très politique sur Pierre Bergé, le mécène rallié à M. Macron. Fillon lui a droit aux articles sur les juges, Mme Le Pen à un article sur ses « amis néonazis », Benoît Hamon à ses propositions en matière de transparence mais aussi à l’enterrement du PS projeté aux obsèques d’Henri Emmanuelli (qui lui ne méritait pas ça…). Quant à Jean-Luc Mélenchon, rien, pas une ligne ! Trop gênant de fait.


« Y a-t-il vraiment un axe Macron-Drahi? » feint donc de s’interroger ce dimanche le JDD. Leur réponse est il est vrai dans le titre, le « vraiment » valant absolution. Le journal fait mine d’enquêter sur « la collusion » entre le candidat Macron et le propriétaire entre autres de BFM-TV, RMC, L’express, Libération…Ou plutôt d’évoquer à demi-mot les mises en cause qui peuvent exister pour mieux laisser entendre que le dossier est vide en donnant la parole exclusivement à l’entourage de M.Macron ou celui de Patrick Drahi, pour peu que les deux diffèrent.


Ainsi, l’article de se concentrer sur la vente en 2014 de SFR au profit de Numéricable, propriété du même Drahi. Les proches de M. Macron sont les seuls appelés à témoigner : « « Le choix de Bouygues (l’autre prétendant) était la position fixée par François Hollande et Macron la soutenait » assure l’entourage de l’ancien ministre de l’économie ». plus loin, à propos de la faible amende dont a écopé SFR-Numéricable pour « non-respect des engagements pris » au moment du rachat, c’est encore la seule bande à Macron qui a la parole : « A Bercy il n’a jamais favorisé SFR, répond son entourage. Il s’est même opposé publiquement à Patrick Drahi quand celui-ci a voulu mettre la main sur Bouygues Telecom en 2015 » ; « Altice (propriété de Drahi) n’a besoin de personne dans ses relations avec les banques », ajoute une source proche du groupe ». Quant au montage financier dans lequel M. Macron est impliqué pour certains, c’est Bernard Mourad qui a cette fois la parole, celui-là même qui était au coeur de l’opération, qui est un « proche de Drahi depuis quinze ans » mais aussi « l’ami de Macron. Alors qu’il avait intégré Altice en 2015, il en démissionne un an plus tard pour rejoindre En marche ! ». Son démenti a donc pour les croyants valeur d’évangile. Comme l’ultime dénégation « d’une source proche du groupe ». Fermez le ban.


A quoi donc peut bien servir un article sur le sujet qui ne donne la parole qu’à la défense ? Le but n’est de toute évidence pas de venir sur le fond puisque celui-ci n’est évoqué qu’en contrepoint des justifications apportées par l’entourage de M. Macron. Au contraire, il s’agit de voler au secours de l’intéressé pour essayer de masquer le fil trop voyant qui l’unit à la Caste dont il est issu. Fragilisé par sa faible prestation lors du débat télévisé (nonobstant ce qu’a pu en dire le BFM de M. Drahi dès l’issue de celui-ci pour tenter de le maintenir à flot), rattrapé par la vacuité de son programme comme en attestent les retours des réunionnais ce week-end qui ont quitté son meeting avant la fin devant tant de brassage d’air, M. Macron a besoin du système pour être maintenu en lévitation. Mais il ne faut pas que cela se voie de trop, de crainte que « la nouveauté » n’apparaisse pour ce qu’elle est : une excroissance du système pour permettre à celui-ci de perdurer. Et à ce jeu d’équilibriste, les faiseurs de rois se serrent les coudes autour de l’objectif commun, quitte à se rendre mutuellement service. A d’autres la concurrence libre et non faussée. Pour les 10 milliardaires qui détiennent la quasi totalité des médias, cela vaut d’ailleurs aussi pour la démocratie.


Retrouver le blog de François Cocq : cocq.wordpress.com



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