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LE BILLET

To the end (Jusqu’au bout)


Invité du journal de TF1, Benoît Hamon a pris acte devant les français que Jean-Luc Mélenchon serait le candidat de la France Insoumise à l’élection présidentielle et qu’il serait de son côté celui de son parti le PS. Jean-Luc Mélenchon lui a dans la foulée répondu avec sagesse en convenant d’un « code de respect mutuel dans la campagne ». Voilà qui clôt par le haut une séquence de figures imposées et qui va permettre à chacun de se ré-atteler au travail de conviction qui est l’essence d’une campagne électorale.

La comédie n’avait que trop duré. L’union ânonnée par certains était un piège qui se refermait sur tous. Elle n’avait pas de sens au regard des projets portés par les deux candidats qui ont chacun leur cohérence propre qui mérite d’être respectée. La ligne de faille européenne et la conception de la société et de la place que doit y occuper le travail sont deux éléments structurants sur la base desquels il ne pouvait y avoir de rapprochement : quand Jean-Luc Mélenchon propose « l’arrêt immédiat de l’application des directives européennes mettant en cause les services publics de notre pays et passage au plan B en cas d’échec des discussions avec nos partenaires européens pour mettre fin à la politique des traités budgétaires et des semestres européens », Benoît Hamon espère lui encore « changer l’Europe de l’intérieur » et mettre en place une « assemblée de la zone euro ». Ce sont là deux analyses qui diffèrent quant à la perception du rapport de force européen et dont découlent logiquement des stratégies incompatibles. De même sur la valeur travail pour. Benoît Hamon présuppose une robotisation à l’extrême de la société dont il tire à la fois son idée de revenu universel d’existence et sa taxe sur les robots. Jean-Luc Mélenchon parle lui de relocalisation de l’activité industrielle, écologique et sociale et de la transformation de l’appareil éducatif et productif pour y parvenir. Que tous ceux qui pendant trois semaines ont envahi plateaux et colonnes pour nous parler des « egos » des uns et des autres rengorgent la médiocrité de leur pensée politique : ces débats là ne sont pas affaire de personnes. Ils méritent d’être posés et seuls les électeurs sont à même de les trancher.


La comédie de l’union enfermait les deux campagnes dans un jeu de rôle, anesthésiait le déploiement des idées et laissait libre cours aux autres candidats. Que les medias se soient livrés à la curée pour immobiliser le candidat du PS et celui de la France Insoumise afin de dégager le champ à M. Macron, c’est une évidence. On peut bien sûr regretter que certains n’aient pas été dénués d’arrière-pensées au moment de mettre le doigt dans cet engrenage en pensant « siphonner » des voix comme cela a pu être dit. Mais l’ancrage de longue date et en profondeur de la campagne de la France Insoumise, le caractère éphémère de la dynamique post-primaire de Benoît Hamon, et le poids électoral supposé équivalent à ce stade par les sondages ne pouvaient conduire à un dénouement similaire à ceux des ralliements de Yannick Jadot auprès de Benoît Hamon ou encore de François Bayrou auprès de M. Macron, quand l’un et l’autre n’étaient de fait pas en situation de se présenter.


Pire, le chantage à l’union et ce qui apparaissait comme des discussions d’appareils voire pour certains de la tambouille électorale affaiblissaient le total des intentions de vote. Là où fin janvier Hamon-Jadot-Mélenchon capitalisaient sur leurs trois noms plus de 30 % des intentions de vote, le total des deux candidats restants est parfois aujourd’hui ramené à 25% du fait de l’érosion du score du candidat du PS. Car il n’y avait à ce stade pas d’attente réelle sur le sujet comme le confirme Frédéric Dabi de l’Ifop dans le JDD : « Dans les conversations que l’on teste, le dernier sujet dont les gens ont parlé reste le rapprochement entre Yannick Jadot, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon. En réalité, c’est bien avant une élection qu’il faut créer une dynamique. Là, pendant la campagne présidentielle, les Français attendent que l’on parle de leurs problèmes ». Il était donc de l’intérêt de tous d’en sortir.

D’autant que des arguments utilisés médiocrement par certains pour justifier l’union étaient en passe de se retourner contre-eux. Le chantage au vote utile symbolisé par « la menace FN » ressorti à loisir par des dirigeants épris de tacticisme devait servir de laisse pour ramener Jean-Luc Mélenchon sur le chemin de l’union. Seulement voilà, la vacuité d’un argument apparaît en ce qu’il peut être aussitôt retourné. Ceux qui au PS jouaient hier de celui-ci se le voient pareillement jeté à la figure aujourd’hui par les thuriféraires de la candidature Macron, tel l’inénarrable Daniel Cohn-Bendit ce dimanche. Misère de la politique.


Le débat de fond et de conviction va donc désormais pouvoir avoir lieu. Il se fera aussi sur la manière de rassembler les Français. Dès dimanche, Benoît Hamon a annoncé qu’il complétait son équipe de campagne, faisant notamment la part belle à certains membres actuels du gouvernement comme Matthias Fekl,le secrétaire d’Etat au commerce extérieur, et par ailleurs l’un des artisans des négociations sur le TAFTA que Le Monde, diantre, accusait en 2014d’avoir laissé aller les tribunaux privés d’arbitrage. On y retrouve également Domminique Raimbourg à la sécurité, lui qui était pourtant il y a quelques mois encore rapporteur de la loi constitutionnalisant la déchéance de nationalité pour les binationaux et qui l’a logiquement votée, ou encore Sandrine Mazetier aux droits humains, celle-là même qui voulait rétablir la liberté de censure de la presse dans la réforme constitutionnelle. Benoît Hamon fait donc le choix de la synthèse d’abord au sein de son propre parti en même temps qu’il cherche à l’éclipser en mettant en avant le contrefeu de son alliance avec Yannick Jadot. Bref là où le candidat du PS mise encore sur le cartel de partis, celui de la France Insoumise s’est affranchi des portes et des murs pour appeler le peuple à se fédérer. Deux méthodes d’actions sont sur la table. Chacun jugera. D’autant qu’elles recouvrent des objectifs différents, Jean-Luc Mélenchon considérant lui qu’au-delà du rassemblement de la gauche, « la tâche de la « France insoumise » et de ses alliés est de convaincre cette moitié des Français qui n’a pas encore fait de choix de vote » pour pouvoir reprendre la main face à la droite et à l’extrême-droite.


Les candidats vont surtout redevenir audibles dans leur confrontation avec Mme Le Pen et avec MM. Fillon et Macron. Quand M. Macron a un chiffrage mais pas de programme, que Mme Le Pen a un programme unique, la préférence nationale, mais pas de chiffrage, et que M. Fillon révise son programme au rythme des semaines qui s’écoulent, Jean-Luc Mélenchon et l’Avenir en commun, qui a fait l’objet d’un chiffrage public le 19 février, disposent en la matière d’arguments pour convaincre par la raison.

Tous ces bals masqués / Du mauvais cinéma / La comédie du grand amour/Vous ne me ferez pas l’injure de la jouer/Jusqu’au bout.


Pour clore l’immense album The great escape, Damon Albarn et Françoise Hardy enlaçaient leur voix dans To the end pour consommer collégialement la rupture. Preuve que cela peut être fait dans le respect et dans l’intérêt de tous. Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon n’ont pas eu à pousser la chansonnette. Mais dans l’intérêt des idées que chacun d’entre eux véhicule, ils devaient néanmoins s’entendre pour rendre audibles de telles paroles et permettre la confrontation démocratiquement nécessaire. C’est chose faite. Passons à la suite.


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