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LE BILLET

Après Fillon, Macron fait feu à son tour sur les fonctionnaires


M. Macron vient de rendre public son cadrage budgétaire via une interview au journal Les Echos. A dire vrai, il devait le faire mercredi 22 février mais il était alors trop occupé dans sa tambouille électorale avec François Bayrou : pour ces deux-là, le programme est de fait second. Il est d’ailleurs curieux (et symptomatique) que le cadrage budgétaire intervienne avant le programme lui-même qu’on nous promet pour début mars s’il arrive enfin. Mais un point est acquis : les fonctionnaires et le service-public constituent les cibles privilégiées du candidat Macron avec un nouveau coup de rabot de 60 milliards (Mds) d’euros de dépense publique. Dans le détail, c’est notamment -25 Mds pour l’Etat, à nouveau – 10 Mds pour les collectivités locales et la suppression de 120.000 fonctionnaires. Entre Hollande et Fillon, M. Macron est à la croisée des chemins.


François Hollande n’y avait pourtant pas été avec le dos de la cuillère en voulant réaliser 50 milliards de coupes dans la dépense publique sur la période 2015-2017. Objectif atteint à 80 % … grâce au zélé locataire de Bercy à l’époque, un certain M. Macron. 40 milliards avaient finalement été soustraits à l’intérêt commun en 3 ans. La descendance infidèle tient à parachever le travail initié par son géniteur : 60 milliards de coupes sont annoncés à l’échelle du quinquennat. Macron-Hollande, Hollande-Macron, c’est décidément kif-kif bourricot.


Quant à M. Fillon, son haro sur la fonction publique a fait réagir. Diantre, lui entend baisser la dépense publique de 30 milliards pour l’Etat et de 20 milliards pour les collectivités locales. Bref 50 Mds d’euros avec la suppression de 500.000 emplois publics. Un carnage. Finalement pas si éloigné de ce que propose M.Macron. Jugez plutôt.


Dans le détail, M. Macron entend baisser de 3 point le ratio de dépenses publiques par rapport au PIB. Non sans dès à présent se fixer l’objectif de faire descendre ensuite ce taux à 50% contre 56,5% aujourd’hui. Autrement dit doubler ensuite la punition. M. Fillon ne dit pas autre chose, lui qui s’est aussi fixé pour objectif de faire passer la dépense publique sous le seuil de 50% en 2022. Comme M. Fillon, M. Macron entend pour cela notamment sacrifier deux axes : les agents de la fonction publique d’un côté, et les dotations aux collectivités de l’autre.


Là où M. Fillon prévoit la disparition de 500.000 emplois publics, M. Macron dissocie fonctionnaires et emplois publics pour un résultat qui risque de ne pas être si différent. Ainsi, 120.000 fonctionnaires seraient supprimés (50.000 dans la fonction publique d’Etat, 70.000 dans la territoriale) et le flou plane sur les contractuels. Or les chiffres ne sont pas indépendants les uns des autres. Si les suppressions de postes semblent varier de 1 à 4 entre MM.Macron et Fillon, le faible différentiel de baisse dans la dépense publique sur ces secteurs (25 + 10 = 35 Mds pour M. Macron, 30+20 = 50 Mds pour M. Fillon) conduit à penser que la baisse des effectifs dans la fonction publique ne s’arrêtera pas aux seuls fonctionnaires, loin de là !


Comme M. Fillon, M. Macron entend pour arriver à ses fins s’en prendre au statut de la fonction publique. C’est chez lui il faut le dire une vieille marotte que de vouloir externaliser un certain nombre de « missions ». Le 18 septembre 2015, M. Macron alors ministre du budget déclarait déjà à propos du statut de fonctionnaire qu’il n’était « plus adéquat » et « plus justifiable compte tenu des missions » lors d’un débat public au think tank En temps réel. Dans l’édition du jour des Echos, le même prétend d’un côté que « le statut des fonctionnaires ne sera pas remis en cause » quand il glisse dans la même phrase vouloir « recruter hors du statut pour les fonctions d’encadrement » et que les collectivités locales « pourront également recourir plus largement à des recrutements de droit privé ». Pour M. Macron, il faudrait donc mettre le statut de la fonction publique en concurrence alors même que c’est ce qui permet aux agents d’exercer leur tâche au service de l’intérêt général en les mettant à l’abri des intérêts particuliers. A coups d’économies, c’est la nature même du service public que M. Macron entend mettre en charpie. Il rejoint là M.Fillon qui entend pareillement favoriser la signature de contrats de droit privé dans la fonction publique. Tous deux sont également pareillement d’accord pour rétablir une journée de carence.


Les 1,9 millions d’agents de la fonction publique territoriale seront en première ligne puisque 70.000 d’entre eux sont directement visés par M. Macron qui déléguera, moyennant étranglement financier, le soin aux collectivités locales de faire le sale boulot. Les collectivités locales ont déjà eu à subir les foudres du quinquennat qui s’achève : – 27 milliards d’euros cumulés en moins depuis 2014 pour la dotation globale de fonctionnement. M. Macron prétend encore les amputer de 10 Mds supplémentaires comme si partout sur le terrain on n’était pas déjà à l’os : en bout de course, c’est le service public qui se retire des territoires, qui restreint ses horaires d’ouvertures, qui diminue ses prestations, et les agents et les usagers qui pâtissent de la saignée.


Il est jusqu’à la méthode où M. Macron fait un vulgaire copier-coller des propositions de M. Fillon : M. Macron » Je veux nouer avec les collectivités un pacte sur cinq ans, dans lequel je contractualiserai une baisse de 10 milliards d’euros de leurs dépenses. Cette baisse sera à leur main. Parallèlement, je leur donnerai des marges de manoeuvre ». M. Fillon : « On peut faire beaucoup d’économies, y compris sur l’emploi public (…) Je veux passer avec les collectivités locales des contrats de cinq ans, dès le début du quinquennat. On met tout : les économies qu’on va continuer à vous demander, la baisse des normes et des contraintes administratives qui pèsent, les charges insupportables (…) On met de la liberté sur la gestion des personnels, on met de la liberté sur votre organisation (…) » Bref l’Etat contractualiserait l’austérité contre moins de droits et des traitements à la baisse pour les agents et le recul du service public. Un modèle perdant-perdant pour les collectivités, les usagers et les administrés.


En décembre l’Institut Paul Delouvrier publiait son baromètre annuel rendant compte de la satisfaction des usages des services publics. Il faisait déjà état qu’une part croissante des français refusait que soient altérées les prestations et était prête pour cela à un effort commun et partagé. Ce 20 février, c’est cette fois Odoxa qui rendait publique une enquête selon laquelle « les trois-quarts des Français (75%) pensent que [les services publics locaux] vont se détériorer, et autant s’inquiètent de cette dégradation. Pourtant les trois-quarts des Français (74%) estiment que l’investissement dans les services publics est un sujet qui n’est pas évoqué dans les débats électoraux alors même qu’ils jugent unanimement (84%) qu’il s’agit d’un aspect important à leurs yeux dans les programmes des candidats ». Avec leur sordide course à l’échalote contre le service public et ses agents, car l’un ne va pas sans l’autre, les flingueurs Macron et Fillon apparaissent donc pour ce qu’ils sont : des agents du passé et les héritiers du passif.



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